En alliant restauration et tradition, le couple d’origine ivoirienne Serge et Ange Boua ont su réinventer la cuisine africaine. En 2020, ils se lancent ensemble dans l’aventure entrepreneuriale et fondent trois entreprises : Ange Traiteur, Mangeons bio et le Salon Inguewa. La troisième édition de ce salon du mariage africain aura lieu le samedi 1er février 2025 dans la salle Palmerais située dans le 15ème arrondissement de Paris.

Audrey Makiesse : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans l’entrepreneuriat et plus précisément dans la restauration ?

Ange Boua : En Côte d’Ivoire, j’étais déjà dans l’entrepreneuriat, j’avais mon restaurant. En arrivant en France, je n’ai pas pu reprendre cette activité directement. J’ai dû d’abord travailler pour être en règle au niveau de mes papiers. Lorsque je les ai obtenu, j’ai tout de suite créé mon entreprise. L’envie et la motivation ne m’ont jamais quitté depuis la Côte d’Ivoire.

Serge Boua : À l’époque, lorsque j’étais étudiant en licence de sciences-chimie. Pour financer mes études, j’ai travaillé pendant un an dans un restaurant traditionnel. Cette expérience professionnelle a été très enrichissante. J’ai beaucoup appris sur les métiers de la restauration. Lorsque j’ai rencontré mon épouse, elle avait la volonté d’agrandir la partie traiteur qu’elle avait déjà entrepris. Avec mon expérience dans cuisine européenne et la sienne dans la cuisine africaine, nous nous sommes associés et répartit les tâches en fonction de nos expériences respectives. C’est donc sur ces bases que notre entreprise Ange Traiteur a vu le jour.

Audrey Makiesse  : Parlez-moi plus précisément de Ange Traiteur. Qu’est-ce qui est au cœur de cette entreprise ? 

Serge Boua : La Côte d’Ivoire reste au cœur de notre projet puisque c’est là-bas que mon épouse a commencé son aventure entrepreneuriale avec des produits ivoiriens. Donc, nous sommes restés sur cette base, et nous nous sommes dits : “Ange Traiteur s’est fait par une ivoirienne qui fait des plats ivoiriens”. C’est comme cela que nous avons inclus l’agroalimentaire à notre projet. La plupart de nos produits sont importés de la Côte d’Ivoire. Nous faisons venir des produits, nous les vendons et nous les utilisons pour la partie traiteur sur des plats africains revisités. Ensuite, nous avons créé nos deux autres entreprises : Mangeons bio et le Salon INGUEWA

Ange Boua : J’aimerais ajouter que lorsque nous avons créé ces entreprises, Serge et moi avons compris que nous avions vraiment la même vision, la même manière de voir les choses. C’est ce qui nous donne de la force au quotidien. En plus de nous compléter, nous avons les mêmes idées. C’est aussi important de dire que tout ce qu’on fait, on le fait avec amour. On ne le fait pas pour l’argent mais pour la passion. Je dirai que les relations avec les gens sont mieux que l’argent. C’est ce qui nous a permis de nous constituer un réseau sans même le vouloir.

Audrey Makiesse : Est-ce que l’un de vos objectif est d’étendre votre public et que vos produits soient consommés par le plus grand nombre ? 

Serge Boua : C’est notre but premier. Il y a énormément de produits européens qui sont utilisés par des Africains. Pourquoi pas l’inverse ? La vision d’INGUEWA n’est pas de cibler un public en particulier mais de toucher tout le monde.

Ange Boua : Pour l’instant, notre clientèle est principalement africaine mais il y a également des couples mixtes. Bien sûr, nous aimerions l’élargir. Notre vision est d’amener les prestataires INGUEWA à avoir des clients issus de divers horizons.

Audrey Makiesse : En plus de vos deux premières activités, vous êtes également en pleine organisation de la troisième édition du Salon INGUEWA. Comment vous est venu l’idée de créer un salon du mariage africain ? 

Ange Boua : Nous avons remarqué que la plupart des clients rencontraient de grandes difficultés à trouver des prestataires pour leur mariage. Lorsque je me suis mariée à mon tour en 2019, j’ai réellement compris ce qu’avaient vécu ces clients. Le jour de mon mariage, je me suis retrouvée seule à faire mes courses et la veille de mon mariage, j’étais encore dans les magasins à chercher ma robe de mariée. Quand je suis arrivée à l’hôtel, j’étais une mariée épuisée. C’est à partir de là que j’ai dit a mon époux : “Il faut qu’on fasse quelque chose, ce n’est pas possible”. 

Serge Boua : J’ajouterai que l’élément déclencheur a eu lieu pendant le mariage. Mais nous avons constaté pendant nos recherches qu’il était très difficile d’avoir des prestataires. Il y en a beaucoup mais ces derniers n’ont pas de site web donc c’est très difficile de les contacter. Résultat, les clients peinent à avoir des prestations qui peuvent répondre à leurs besoins et les satisfaire. Enfin, nous avons aussi constaté qu’il y a des clients qui ne sollicitent pas la communauté africaine car ils ne communiquent pas assez sur leur travail.

Quel est l’objectif du Salon INGUEWA ? Quelles sont vos exigences par rapport aux jeunes entrepreneurs ? 

Serge Boua : C’est un salon du mariage africain et d’événements festifs. INGUEWA exprime bien cela car ce terme représente bien l’Afrique. Il permet aussi de montrer l’union africaine à Paris. Notre objectif n’est pas forcément d’attirer des entrepreneurs qui ont déjà de l’expérience. Nous sommes là aussi et surtout pour inciter les personnes qui ont des idées mais qui ne savent pas comment les concrétiser à entreprendre. On leur donne envie d’entreprendre et on les accompagne dans la création de leurs entreprises. Les entités présentent servent de base de formation pour les nouveaux entrepreneurs.

Ange Boua : Quand un exposant ou un entrepreneur m’appelle, la première question que je leur pose est : “Est-ce que vous êtes déclaré ?” La seconde question est : “Est-ce que vous avez un site internet ?” Cela me permet de voir ce que la personne propose et la qualité de leur travail. Si je vois que la personne n’a pas de site internet ou qu’elle n’est pas sur les réseaux mais que celle-ci a du potentiel, je lui propose une séance photo dans nos studios. On collabore avec une entreprise qui fait des photos et des montages. Le visuel compte pour nous car il faut pouvoir mettre les produits africains en valeur.

Audrey Makiesse : C’est quoi la vision de votre salon ?

Ange Boua : Notre vision et notre objectif c’est que la communauté afro vient présenter ses produits, son savoir-faire et son talent d’une autre manière afin que les gens puissent voir les produits africains avec un nouveau regard. Il faut que les prestataires africains valorisent ce qu’ils vont présenter au Salon INGUEWA. Nous ne voulons pas être un salon sans but et sans objectif.

Serge Boua : Ce n’est pas un marché éphémère. Cette vision perdure grâce au suivi qu’on fait avec les entreprises. Pendant le salon, il y aura des interviews de chaque exposant et après le salon nous continuerons à les accompagner. Il faut que toutes les personnes qui passent dans ce salon gardent en mémoire les différents prestataires. Cela doit les inciter à la contacter et à les recommander à leur entourage. Le but c’est de faciliter les futurs mariés, les futurs organisateurs dans un même lieu pour tous les prestataires de la diaspora.

Audrey Makiesse : Qu’est-ce vous anime dans ce projet ? 

Ange Boua : Je dis souvent que ce projet, ce n’est pas que pour mon époux et moi, c’est pour toute l’Afrique et la diaspora. Nous avons remarqué que sur le territoire français, les personnes qui se marient le plus sont les Africains.

Serge Boua : J’ajouterai à cela qu’il faut que les personnes qui nous suivent aient envie de faire évoluer le projet avec nous pour ne pas qu’elles n’aient l’impression de se faire voler.

Audrey Makiesse : Est-ce qu’il y a des choses qui ont changé depuis la première édition ? Comment est-ce que vous tenez financièrement et moralement ? 

Serge Boua : À la première édition en matière, on était restreint. Nous n’étions pas nombreux. Du côté des visiteurs, il n’y avait pas grand monde non plus.  Mais c’était un test et nous étions contents de l’avoir fait. On avait une idée au départ et on l’a concrétisée. À partir de là, on a décidé de poursuivre. À la deuxième édition, il y avait plus d’exposants. Pour la troisième édition, nous nous sommes dit qu’on ne pouvait pas rester à un certain nombre d’exposants. On se devait d’aller au-delà. On a donc pris une salle beaucoup plus grande où on peut mettre 100 exposants.

Nous avons voulu prendre un lieu qui révélerait la beauté des produits des entrepreneurs. Nous voulons aussi qu’il soit fier de les présenter dans un bel environnement. Si on veut faire un grand projet, il faut beaucoup investir. Plus l’ambition grandit et plus les difficultés sont là puisqu’il faut investir mais notre envie est d’arriver à notre ambition donc il n’y a pas de limites.

Ange Boua : Il faut dire aussi que ce qui fait qu’on tient, c’est le retour des exposants et la joie qu’on lit sur leur visage. Pendant une séance de shooting, nous avons une pâtissière qui nous fait un éloge. Mon mari et moi avons failli fondre en larmes. Son témoignage a rechargé nos batteries. Quand on voit ces personnes à qui on fait du bien, on comprend pourquoi on le fait. C’est le but même de INGUEWA. Toute la journée, je reçois des messages de soutien et ça me fait du bien. Puis, mon mari et moi sommes déterminés à changer beaucoup de choses.

Audrey Makiesse : Quelles sont les valeurs africaines que vous souhaitez transmettre avec INGUEWA ? 

Serge Boua : Dans les vraies valeurs africaines, il y a l’union en premier lieu. On ne laisse pas un malade seul. Il est toujours à côté de soi. On veut toujours être bien entourés. Au Salon INGUEWA, on organise des masterclass autour de la dot. C’est une des valeurs africaines qui met en lumière l’union des deux familles. Ce sont deux familles qui se rencontrent et qui ne font qu’une seule. À travers ces masterclasses, on rappelle qu’il ne faut pas oublier ce qu’on a ancré en nous : nos valeurs. Quand on n’a pas de bases, on n’avance nulle part. Il faut consolider cette base pour absorber toutes les autres cultures.

Ange Boua : La nouvelle génération ne connaît pas la valeur même de la dot. Il ne suffit pas de le faire. La plupart des jeunes qui le font ne vont pas jusqu’au mariage. En réalité, ils ne connaissent pas la réelle signification de cette cérémonie. Il est très important de respecter les traditions pour l’après. Est-ce que les jeunes de la nouvelle génération le connaissent cet après ? C’est ce qu’on va aborder lors de nos masterclasses pendanf du Salon INGUEWA. On veut que ce soit une plus-value pour les jeunes couples et les futurs mariés.

Audrey Makiesse : Une phrase qui donnera aux gens envie de venir ? 

Serge Boua : Votre rêve, notre réalité. On rêve de beaucoup de choses mais ça reste difficile à réaliser. Venez à notre salon INGUEWA et tout sera à réaliser.

Site : https://inguewa.fr/

*Inguewa est un terme gabonais qui signifie festivité, cérémonie et événementiel.